Élias Santrope + Chihiro Althor

Détendu, Élias éclata de rire à la remarque de Chihiro. Il fit mine d'être faussement en colère.

- Une casquette et des lacets ? Eh oh, tu m'prends pour un gosse ou quoi ?

Il ajouta malicieusement :

- C'est plutôt toi, femme fragile, que je devrais accompagner dans la mine pour être sûr qu'il ne t'arrive rien. Il lui adressa un clin d'oeil pour anticiper le regard furibond qu'elle n'hésiterait pas à lui lancer.

Chihiro se retourna, furibarde mais en voyant le regard malicieux, un nouveau sourire étira ses lèvres légèrement, malgré elle :

- ben quand je regarde ton âge et le mien, je serais tentée d'dire que t'es un gamin, ouais... Et t'iras d'mander aux monstres que j'ai estourbi c'qu'ils pensent de la femme fragile... maint'nant, si tu veux m'accompagner, rien n't'empêche... j'ai b'soin d'manoeuvre pour ramasser la caillasse, ça m'libèr'ra du temps pour prospecter

Un demi-sourire ironique aux lèvres, Chihiro adressa un salut désinvolte au woltarien et grimpa sur son kirk. C'était pas dans ses habitudes de parler autant à des inconnus. Elle avait plutôt tendance à les rembarrer de manière plutôt brutale mais ce mec lui rappelait son oncle Liam, le seul qui sache encore l'amadouer et ne se laisse pas impressionner par la carapace de froideur qu'elle s'était forgée.

Tout d'un coup intéressé, Élias redevint sérieux.

- Eh, c'est vrai, j'pourrais t'accompagner dans ta mine ? T'en as un autre, de ces machins comme ça ? demanda-t-il en désignant la monture de Chihiro du menton.

- Non parce que je sais m'battre, et à part avec mon frère Raph' j'suis jamais descendu combattre et explorer avec quelqu'un. Il ne releva pas la remarque narquoise sur la caillasse, trop excité à l'idée d'aller explorer la mine en duo.

Élias eut un large sourire. Même si elle se la jouait grognon-ronchon, il était très heureux qu'elle l'admît avec elle.

- C'est une bête impressionnante. J'en ai vu quelques fois, de loin... mais jamais d'aussi près, et jamais d'aussi calme.

Il rit. C'est parti alors ! Je n'ai pas peur de marcher, non. J'suis de Vésén, résistant comme un roc ! Il ajouta.

- Pour la caillasse, tu veux que j'sois ton larbin quoi... mais ok, ça me va. Il prit un air indigné. Eh oh, on s'est croisé plein de fois en soirée ! J'te jure, à quoi ça sert que j'invite les gens... Moi c'est Élias, et toi c'est Chihiro je crois. On s'est jamais trop parlé, mais je sais qui j'invite en soirée quand même ! Y'a pas tant d'monde que ça à Vésén.

Chihiro resta un moment au niveau d'Elias, l'observant du coin de l'oeil. Le jeune woltarien faisait de bon coeur de visibles efforts alors que, de toute évidence, il n'avait jamais dû mettre ses fesses sur une selle et un kirk. Un peu adoucie, elle se décida à lui donner quelques conseils :

- c'est d'jà mieux... Sois moins crispé ! On dirait qu't'as avalé un port'manteau ! Sois détendu sur ta selle, "sens" l'animal et fais comme si tu étais partie de lui ; tu es son prolongement et ses mouvements se poursuivent chez toi. Et tiens les rênes solides ! Même si c'est un pépère, faut qu'il sache qui commande... et, en principe, c'est toi.

Quand elle se fût assurée qu'il tiendrait sur sa monture sans trop de bobos, elle talonna légèrement la sienne qui reprit un rythme un peu plus soutenu.

Le reste du voyage se passa en silence. Chihiro était heureuse de retrouver "son" désert. Son regard le parcourait comme si elle avait caressé un doux animal paisible. Là, elle se ressourçait, se retrouvait. Elle le connaissait si bien qu'elle pouvait remarquer la modification de profil d'une dune, un infime changement dans l'horizon. Elle savait où trouver de l'eau ou une grotte qui lui permettrait de se mettre à l'abri pour la nuit. Elle savait comment fixer sa tente pour qu'elle résiste aux grands vents qui pouvaient soudainement se mettre à souffler. Les tempêtes de sable ne l'effrayaient pas ; bien moins, en tout cas, que le fait d'avoir à entretenir des rapports avec les autres woltariens. Elle avait cru, un moment, que de partir à Sétia lui permettrait de faire la paix avec son passé. Elle avait compris que les problèmes vous suivent, où que vous alliez et elle était revenue à Vésén. C'est "son" désert qui lui apportait l'apaisement.

Ils arrivèrent à destination. Chihiro descendit de son kirk et entreprit de le desseller, laissa tomber le harnachement et conduisit son animal dans la petite écurie attenante à l'abri de fortune qu'elle avait construit à quelques centaines de mètres de l'entrée de la mine.

Elle se rendit dans une cahute voisine et y jeta un coup d'oeil par la petite fenêtre. Ce qu'elle y vit dut l'énerver car elle haussa vivement les épaules, son visage se ferma et prit une expression de colère. Elle revint vers le harnachement jeté sur le sable et le saisit pour aller le ranger. Chihiro semblait avoir totalement oublié la présence d?Elias.

La sensation de chevaucher un kirk était vraiment exaltante. Élias se demanda comment il avait pu passer à côté de la bête sauvage, depuis autant de temps à Vésén, à crapahuter en compagnie de son frère. Si Raph avait été là, il lui aurait probablement rappelé que le Kirk était régulièrement utilisé dans le rodéo de Vésén, mais Élias n'y était pas allé souvent : s'il n'était pas un fana de la défense des animaux, il n'aimait pas les voir ainsi acculés dans une arène. Son frère prétendait qu'il n'était pas question de les y traquer ni même de leur faire du mal, mais le spectacle répugnait à Élias, qui n'y était donc pas allé depuis longtemps.

Cette chevauchée semblait également apaiser Chihiro. Le regard de la jeune femme, habituellement indifférent ou ironique, était à présent porteur d'une grande quiétude, ce dont Élias se réjouit. Il appréciait sa ville, une ville de personnes fortes, mais il avait bien conscience que la dureté de la vie dans le désert élevait également des barrières entre les Wolts. Il était bien content de voir que la jeune femme, dans cet environnement, se sentait exceptionnellement bien. Elle faisait preuve d'une grande maîtrise dans le désert : pour preuve sa monture, qui obéissait au moindre de ses gestes. Mais elle était également attentive au moindre bruit, au moindre souffle de vent. Élias, un peu en retrait, regardait le profil de cette femme forte.

Le Woltarien fut tiré de ses réflexions par la silhouette d'une mine qui se dessinait peu à peu. Le temps était clair, sec, et le soleil de début d'après-midi révéla quelques installations de fortune aux abords de la mine. Élias démonta avec enthousiasme, essayant d'ignorer les raideurs qui tiraillaient ses jambes et ses fessiers : il se doutait que la douleur serait pire le lendemain ! Il imita sa compagne lorsqu'elle dessella l'animal, observant ses gestes, et conduisit sa monture auprès de celle de Chihiro. Il l'attendit à l'entrée de la mine tandis qu'elle allait chercher quelques affaires et observa, un peu impatient. Lorsqu'elle reparut devant lui, son visage était complètement fermé. L'ignorant, elle se saisit de l'équipement qui avait été laissé au sol et s'apprêtait à le ranger lorsqu'Élias s'approcha et lui saisit le poignet.

- Eh, souffla-t-il. Qu'est-ce qui s'passe ? demanda-t-il en essayant de trouver son regard, inquiet.